Effet Popescu
Séduire Marius Daniel Popescu Dans "L'Effet Popescu"
Louise Anne Bouchard s'adresse à l'écrivain, se raconte à travers lui et nous fait partager son admiration pour lui. Sous le label BSN Press se cache l'éditeur Giuseppe Merrone, enseignant à l'UNIL et membre fondateur de la revue A contrario. Il vient de publier L'Effet Popescu, où sous la forme d'une lettre à l'écrivain Marius Daniel Popescu, Louise Anne Bouchard s'adresse à tous les lecteurs désireux de la suivre à travers sa propre jeunesse à Montréal, que l'on devine encore douloureuse, et de pénétrer dans l'univers de cet autre étranger qu'elle rencontre à Lausanne, le Roumain Marius Daniel Popescu, séducteur impénitent, poète et prosateur inlassable, qui n'hésite pas lui-même à narrer son pays d'origine et sa vie, comme dans La Symphonie du loup et Les Couleurs de l'hirondelle. Le lecteur assiste alors à l'effet miroir de cette oeuvre sur Louise Anne Bouchard. Popescu écrivain et chauffeur de bus lausannois donne bien sûr des coups de volant, qui déroutent l'autobiographie vers la poésie, et sa rencontre littéraire avec l'auteure canado-suisse prend également une tournure énigmatique sous sa plume à elle, alerte, joyeuse, presque enfantine par moments. Louise Anne refuse-t-elle de vieillir ? Sûrement et on la suit volontiers sur ce terrain où elle folâtre avec les mots, les souvenirs cassés, les images d'un écrivain qui lui fait de l'effet, qu'elle envisage pour le Nobel, qu'elle dévisage, qu'elle poursuit ou qu'elle fuit. Louise Anne Bouchard habite en Suisse depuis 1991. Photographe de formation, elle a publié une dizaine de romans. Pour La Fureur, elle a reçu le prix Contrepoint de littérature française (Paris) en 1994. D'une manière intense et brève, elle se glisse sur la pointe des pieds dans le sillage d'un Popescu monumental qu'elle admire et qu'elle attire à elle, un jour à la sortie d'un dépôt des TL, homme de chair et de papier, de maux et de mots.
L'effet Popescu BSN Press 2012
Editions de l'Aire
"Louise Anne Bouchard conte sur un ton léger avec une ironie parfois mordante une histoire que nous connaissons déjà, parce que nous l'avons toutes et tous au fond du cœur...Cet amour immarcescible qu'est notre premier amour, cette première violence faite au cœur, cette marque indélébile que nous portons tous. Sauf que Louise Anne Bouchard la prolonge. Et au bout de...longtemps, l'amour jamais mort, revit, se rallume, se reconsume avant de retourner à l'ombre de l'impossible...Peut-être!" Michel Moret Les Editions de l'Aire Avril 2010 |
Vif, drôle
"Bleu Magrite, vif, drôle, poétique et superbement écrit!"
Fred Valet, chroniqueur pour Le Matin culturel.
Hebdo Vevey
"... Un livre rare, d'une spiritualité rafraîchissante et joyeuse"
Mireille Callu Hebdo Vevey Juin 2010
Marie Claire Magazine
"... Avec un humour fin et tendre, servi par une langue merveilleuse de trouvailles Bleu Magritte ridiculise la déprime et repeint la réalité aux couleurs de l'intelligence."
Marie Claire Magazine Août 2010
Regards des autres
Voici un roman miniature venu d'une plume riche vivant hors des murs de notre pays , ejetons de modestes familles ouvrières, paysannes ou petites bourgeoises (dixit Borduas). Louise Anne Bouchard est née ici même à Montréal, habite désormais les riants coteaux de la Suisse, et son dernier roman, Les Sans-Soleil, raconte une histoire d'amour véritable gâchée par l'inconséquence méconnaissance de soi et du cœur humain qui fait tant de ravages partout. L'histoire du roman pourrait se passer dans n'importe quelle petite ville sinistrée par la tyrannie de l'opinion publique, mais nous voilà en territoire helvétique, dans un village baptisé Lannaz. Question de nez, il y a , dans ce petit bled, des odeurs de terre, de fumier, de bétail, d'éructations et de sueurs animales, humaines, des relents permanents qui quelques fois portent le cœur bien bas, jusqu'à vomir. Pour tout dire sur ces miasmes pestilentiels, le quotidien des gens de Lannaz, c'est s'y vautrer, de vivre au ras du sol, comme les insectes.
Comme pour beaucoup de petits villages perchés sur un flanc quelconque des colosses alpins, il y a peu de soleil: on y vit une existence machinale, instinctive, brutale, calculée. Détail de réaliste d'ailleurs, voulant qu'on calcule et évalue tout chez ces bons travailleurs protestants que sont les Suisses, notre antihéros est justement mathématicien. Au cours du récit de sa méprises (sa faute) raconté à son psychiatre, Herr Doktor, il explique que la pression sociale, exercée au cours de son existence, était soudainement devenue trop forte: déjà, à 40 ans, elle avait exigé qu'il se marie impérativement. Un rêve d'idéal l'avait obligé cependant à se rembourser de cette contrainte incontournable par l'idée fantaisiste de quitter sa pénombre villageoise pour aller quérir son amour ailleurs, dans un pays de lumière, pas n'importe lequel à part ça, peut-être le plus illuminé qui soit, tout près de Toulon, près de la plage des Morillons. Là, une créature belle, rare, sensuelle, élégante, cultivée, excentrique, passionnée, l'éblouit. Elle aussi tombe amoureuse de son antipode, comme cela se produit tous les jours. Notre mathématicien emporte donc sa future épouse, Nina la belle Française, dans son village pour l'y cadenasser.Au fil des mois, Nina s'adapte à sa détention: elle compose en dévorant des livres et en écrivant. Ces écrits secrets de Nina, rédigés dans de grands cahiers noirs, sèment l'émoi parmi la canaille de Lannaz. Des écrits. Dit-on, venus d'une femme altière, qui n'invitent pas les gens du village pour fêter...Qu'est-ce qu'elle peut bien écrire? Le hic est justement là: Lannaz ne demandait à son mathématicien que de se marier. L'amour tendre, c'était un spectacle odieux, mais y ajouter l'écriture mytsérieuse d'une étrangère, la place devient intenable, l'émeute est au tournant, la révolte gronde...
Il n'avait rien compris au mot « envie », notre mathématicien. Il verra l'échec d'une prison étanche pour Nina qui sera la cible de la haine implacable, de la jalousie, de la médisance, de l'hypocrisie vengeresse de tous ces esprits rabougris par la province et une piètre éducation. A l'ouverture de la chasse locale, au cœur d'un monde de malentendus, si complaisant, dans sa petitesse séculaire, la pauvre Nina, entourée des grégaires sans envergure, verra son amour simple et son authentique joie de vivre flétris et éclaboussés.
La tyrannie des normes. Collaborateur au premier degré à cette mise en scène de dévastation, un bon copain, le rustique Sepp, sous couvert de fraternité masculine et, des rites d'initiation visant à sceller l'amitié dans l'épreuve du sang, exige des comptes à notre antihéros afin qu'il agisse avec Nina « comme on doit agir avec une femme ». Pour l'être brutal que tout mâle doit prétendre être dans sa sexualité instinctive, l'exemple à suivre est une méthode forte qui obtient l'obéissance de sa Mathilde à lui, c'est d'ailleurs la femme idéale, cette silencieuses Suissesse de service.
Récit de la faiblesse caractérielle des hommes modernes, la faute d'hubris (la démesure) de notre mathématicien est de s'être laissé mener par l'opinion publique et les apparences jusqu'à la brutalité, jusqu'au mépris pour des questions d'images, Lannaz est donc la tyrannie de la norme et l'intolérance dtoutete différence, de toute originalité ou indépendance. Le regard des autres est juge et partie dans l'amour de l'aimé(e). C'est donc l'histoire du procès fait à ceux qui ont l'odieuse prétention de se suffire à eux-mêmes. Le bonheur de toute exception dérange. Louise Anne Bouchard signe ici une œuvre remarquable. Elle soigne ce récit à la première personne où triomphe un ton de confession voguant allègrement sur les voies de l'humour, à travers l'histoire drôle, la parodie, l'ironie, l'humour noir, enfin jusqu'au rire jaune. Il faut toute une dextérité pour équilibrer de la sorte un tel foisonnement de satire, de burlesque, de dérision qui se fige dans la consternation glaciale d'une fin sidérante pour tous les personnages. Le ton de la narration est la toute première réussite de l'auteure: allant toujours croissant, c'est un crescendo monumental, réussi, qui, à son point culminant, offre la surprise d'un dénouement terrassant et interrogateur. On sort ébranlé de cette lecture. Voilà une émeraude tombée dans notre jardin littéraire, celui qu'on cherche justement à cultiver.
Eric Sabourin / Le Devoir / Montréal 2 avril 2000
Prix des auditeurs de la RSR 2011
A la deuxième séance du petit jury, 54 ouvrages ont été accueillis par le petit jury chargé de faire une première lecture des textes, et de déterminer les finalistes. 54 ouvrages correspondant aux critères* ont été pris en compte à ce jour. Ce soir, 16 décembre, le jury se réunit sous la présidence de Patrick Ferla. Les débats seront certainement nourris et passionnés.! France Loisirs est partenaire principal de cet événement littéraire majeur pour la littérature de Suisse romande (ou traduite de l'allemand et de l'italien) qui pourrait passer inaperçu si la RTS ne consacrait pas de nombreux moments de promotion et d'émission de contenu au Prix des Auditeurs. "prenezletempsdelire.ch" participe depuis deux ans à ces séances et peut ainsi vous en livre l'ambiance: littéraire à n'en pas douter! Voici la liste des romans acutellement en discussion:
Livres |
Éditions |
1. Le cuisinier de Martin Suter |
Christian Bourgois |
2. L'Ordre des femmes de Daniel Cordonier |
Favre |
3. Un village sans histoires de Charles Lewinsky |
Grasset |
4. Le motif du rameau, et autres liens invisibles de Rose-Marie Pagnard |
Zoé |
5. L'Interdite d'Alger de Christian Lecomte |
Zoé |
6. Les Fiancés du Glacier express d'Amélie Plume |
Zoé |
7. L'air des hautbois de Pierre-Alain Tâche |
Zoé |
8. Même en terre de Thomas Sandoz |
Autre Part |
9. Le souffle du Mékong d'Edith Habersaat |
Slatkine |
10. Le Traître de Pierre Cormon |
Slatkine |
11. Le secret du Maître hollandais et autres nouvelles fantastiques de André Klopmann |
Slatkine |
12. En habit de folie d'Anne-Claire Decorvet |
Campiche |
13. Dans un instant de Sylviane Chatelain |
Campiche |
14. La Beauté du geste de Catherine Fuchs |
Campiche |
15. Crabes à l'étouffée de Francine Collet |
Encre Fraîche |
16. Excision d'Olivier May |
Encre Fraîche |
17. La Rôdeuse de Mathilde Zufferey |
Encre Fraîche |
18. Sez Ner d'Arno Camenisch |
En Bas |
19. La piqueuse d'ourites et autres fantasmes de Bernard Antenen |
L'Âge d'Homme |
20. Laissez dormir les bêtes de Ferenc Rakoczy |
L'Âge d'Homme |
21. Le Baobab de Gino Jeanneret |
Mon Village |
22. Le chien des Bascaroli de Narcisse Praz |
Mon Village |
23. Le sommet de la pyramide de Gilles de Montmollin |
Mon Village |
24. Du sang à l'aube de Mousse Boulanger |
L'Âge d'Homme |
25. Canines de Janus |
Xenia |
26. La veuve du Christ d'Anne-Sylvie Sprenger |
Fayard |
27. La guerre des légumes de Pierre Yves Lador |
Olivier Morattel |
28. Les velléitaires de Laure Mi Hyun Croset |
Luce Wilquin |
29. Le col de Gilbert Pingeon |
G d'encre |
30. Fantômes de Jérôme Meizoz |
En Bas |
31. Partir de zéro de François Iselin |
En Bas |
32. Cygnis de Vincent Gessler |
Atalante |
33. Les Valets de nuit de Marie-Jeanne Urech |
L'Aire |
34. Bleu Magritte de Louise Anne Bouchard |
L'Aire |
35. Ne dure qu'un instant de Vincent Philippe |
L'Aire |
36. Il y a toujours un rêve qui veille de Nathalie Chaix |
Campiche |
37. Childéric et Cathy sont dans un bateau de Janine Massard |
Campiche |
38. Tam-tam d'Eden d'Antonin Moeri |
Campiche |
39. Le Retour aux Indes d'Eric Masserey |
Campiche |
40. L'Embrasure de Douna Loup |
Mercure de France |
41. Le dernier Mot de Gisèle Fournier |
Mercure de France |
42. J'ai avancé comme la nuit vient de Jean-François Haas |
Seuil |
43. Léa de Pascal Mercier |
Maren Sell |
44. Fille de Rahel Hutmacher |
José Corti |
45. L'enfant de Chine de Luc Jorand |
La ligne d'ombre |
46. Lonely Betty de Joseph Incardona |
Finitude |
47.La Rue des Quatre-Bouchers de Chris Koufrine |
Slatkine |
48. Séjour à la nuit de Laurent Schlittler |
L'Aire |
49. Le Blues des vocations éphémères d'Alain Bagnoud |
L'Aire |
50. Le Fil de soie de Sylvie Blondel |
L'Aire |
51. Aline ou les cahiers de ma mère d'Anne Bottani-Zuber |
L'Aire |
52. Carrefours sentimentaux de Georges Ottino |
L'Âge d'Homme |
53. Cri de lumière de François Hussy |
L'Âge d'Homme |
54. L'Amour nègre de Jean-Michel Olivier |
L'Âge d'Homme |
Qui a dit que la littérature suisse romande était confidentielle? A la lecture de cette liste provisoire, on ne peut que se féliciter de la diversité des plumes, et des éditeurs, suisses en majorité ! Daniel Bernard Rédacteur en chef *Romans et nouvelles d'auteurs suisses ou vivant en Suisse, édités ou traduits pour la première fois en 2010.
L'enfant terrible des lettres suisses est canadienne
Elle s'appelle Louise Anne Bouchard, habite Lucerne (où elle écrit des scénarios pour la télévision et le cinéma) et vient de publier, avec Clélia fait enfin amende honorable, le troisième volet d'une saga pleine de bruit et de fureur. Cette fureur, qui donne son titre au premier livre de Bouchard (Prix Contrepoint de la Liittérature française 1994), on la retrouve chez toutes les héroïnes de cette écrivaine atypique. Fureur de vivre, d'abord, et de goûter aux sensations les plus violentes de l'existence : se brûler à l'amour, se consumer de jalousie, entretenir la rage qui couve dans le cœur de chacun comme une flamme secrète. Louise Anne Bouchard trouve des mots sans pareils pour décrire cette passion indocile qui détruit tout sur son passage, et ne laisse que des cendres. Fureur, aussi, des sentiments contrariés, quand la haine et l'amour coexistent dans un même cœur, et à des profondeurs telles qu'ils en deviennent indémêlables : " J'étais figée dans une haine en friche, qui grondait, cherchant à solidifier ses racines. Étonnant sentiment qui m'appelait sous la chaleur de ce dimanche mortel. " Comme dans son précédent roman, Pierre va se remarier avec Florence Cordobès, Louise Anne Bouchard fait de la famille un champ d'enquête et de bataille : dans chacun des deux livres, la narratrice doit défendre sa place, et chèrement, face aux événements du monde extérieur. C'est tantôt l'annonce d'un mariage, tantôt la visite impromptue d'une tante Louise, insaisissable sous ses différents masques, qu'il faut amadouer, pour ne pas être dévorée vivante. Qui parle ici ? Clélia l'enquiquineuse, l'éternelle trouble-fête, Clélia la mauvaise fille, qui n'existe que dans l'animosité qu'elle voue aux membres de sa famille. " Je n'y comprends rien, Clélia, dit Paul en désignant les volumes de la main. Rien ne te ressemble. Aucun modèle. Rien de comparable à ta personnalité têtue. Tu n'es jamais nulle part ailleurs que devant moi. " Et Louise Anne Bouchard a beaucoup de talent pour nommer ce malaise, ce sentiment d'étrangeté – et même d'exclusion – qui touche ici une femme dont l'unique défaut est d'être née libre et douée de parole.
Clélia fait enfin amende honorable / Editions l'Age d'Homme / Jean-Michel Olivier / Scènes Magazine.
L'intolérance au sein des petites communautés
Les Sans-Soleil /Critiques Libris / Québec.
Un livre incandescent
Jean-Bernard Vuillème / Scènes Magazines * La Fureur, roman, L'Âge d'Homme, 1994.
Un vrai régal!
Photographe de formation, scénariste et dialoguiste de films, elle publie, tous les deux ans, de brefs romans convulsifs et déroutants. On se souvient des Sans-Soleil, paru en 1999, qui retraçait dans une langue inimitable l'arrivée, dans un petit village valaisan, d'une étrangère aussi étrange qu'irréductible. Roman des rapports amoureux, de l'ouverture (ou de la fermeture) à l'autre, des bouleversements progressifs d'hommes et de femmes en proie à la passion… L'étrange et l'étranger se retrouvent dans le dernier livre de Louise Anne Bouchard. Et d'abord dans le titre, Vai Piano, en italien, qui signifie " va lentement ". Dans le thème, ensuite, puisque le roman raconte le voyage en Sicile d'une belle étrangère qui va tomber dans les bras (ou plutôt les filets) d'un médecin de Taormina. L'histoire serait banale sans la présence, constante et clandestine, du mari défunt qui suit son ex pas à pas, jour après jour, et surtout nuit après nuit. Mort et enterré, pourtant, le mari n'a de cesse d'espionner sa femme, à qui il s'adresse continuellement, dans une sorte de lettre ouverte adressée à celle qu'il a perdue, mais qu'il continue de maîtriser et de manipuler d'outre-tombe. Passion extrême Tout, chez Louise Anne Bouchard, est affaire de regards et de mots. Regard d'une incroyable cruauté, parfois, qui transperce les apparences, refuse les faux-semblants, fait éclater au fil des pages une vérité qui tantôt dérange (mais il ne faut pas tomber dans le piège de cette provocation), et tantôt éclaire d'une lumière nouvelle les relations amoureuses (car chaque roman de Louise Anne Bouchard est le récit d'une passion extrême, vécue jusqu'à son paroxysme). Langage d'une grande inventivité, ensuite, d'une musique nerveuse, d'une cadence régulière, preuve d'une grande maîtrise de la langue. Quand les regards et les mots se confondent, ou plutôt se répondent, cela donne un feu d'artifice. Un vrai régal!
Jean-Michel Olivier / Scènes Magazines.
Une longue lettre d'amour
Bleu Magritte /Les Editions de l'Aire Michel Moret / Avril 2010.
Une liaisons singulières des âmes
Mireille Callu / Hebdo Vevey / Juin 2010.
Les amours d'enfance durent, parfois
Marie Claire Magazine Août 2010.
Bleu Magritte / Ferenc Racoczy
Cet auteur, qui prétend écrire sous le signe d'une transe totalement assumée (ce qui en fait une lointaine disciple d'André Breton), s’est vue adjuger en 1994 le Prix Contrepoint de la Littérature pour La Fureur, un roman déconcertant et hypnotique qui raconte l’histoire d’un amour incestueux entre une jeune fille de 17 ans et son père. Nous avions déjà été touchés par ce livre d’une force poignante et d’une très grande densité, qui donne à voir – de l’intérieur – la transgression des normes, face à une réalité perçue en sa monstruosité sociale, inacceptable et pourtant vécue dans l’abandon et la passion partagée. Car ici la fiction ne dérange jamais ce qui, dans sa présence au monde, est son poids de passé, ce silence que rien ne peut troubler, sinon le pépiement d’un oiseau sur le bord de la fenêtre. On peut dire que, de façon générale, le couple et les différents costumes qu’il est amené à prendre au cours des âges de la vie, apparaît comme le principal matériau de la recherche romanesque de Louise Anne Bouchard. À travers ces destins qui se croisent dans la souffrance et la révolte, ses récits déroulent, en profondeur, le thème éternel de l’être humain dont la soif d’absolu se heurte aux multiples obstacles que constituent les habitudes, les pouvoirs établis et les faiblesses même de l’individu. Des anecdotes croustillantes, de l’exagération, de la méchanceté, de la poésie, une certaine crudité parfois, de la description méthodique, bref, de beaux miroirs même s’ils sont parfois déformés. Car tout est toujours polarisé dans l'univers de Louise Anne Bouchard, et nul jamais n'échappe à son destin. Bleu Magritte, son dernier ouvrage, raconte avant tout les amours enfantines de Douce, une petite Montréalaise, fille d’un criminologue, égarée dans l’Uccle, quartier chic à la lisière de Bruxelles, et qui pourrait bien être comme une sorte d’alter ego fictionnel de l’auteur. Au hasard d'une rencontre devant une vitrine, elle tombera amoureuse d'un garçon de son âge, qu'elle fréquentera neuf mois, le temps d'une gestation. Tout est toujours quête dans le regard de ces personnages pas si naïfs que cela au demeurant : quête de tendresse, de reconnaissance, d’un nouveau langage secret – celui des amoureux, qui échappe à tout dictionnaire. Comment ne pas se sentir proche de ces pages sur l'enfance, quand tout sonne si juste, si proche de l'émotion véritable? En parallèle, on y propose une réflexion très pertinente sur le passage du temps, qui tamise les expériences et leur redonne une fraîcheur, une labilité, une transparence nouvelle dans la lumière du regard qui a su prendre le risque d’aimer. Il est un point nodal d’amour où présent et passé se confondent dans la conscience émerveillée. La trame romanesque de ce beau livre est excessivement prenante, et les figures centrales sont fulgurantes, inoubliables. Tout semble sourdre du dedans. Une écriture d’un classicisme exquis, un émerveillement des mots, une langue précieusement juste. Le discours amoureux y prend l’ampleur d’une métaphore de la force germinatrice, toujours en mouvement, comme un morceau de jazz très enlevé, comme les phénomènes de transe à travers lesquels l’écrivain prétend lire le monde, à la merci des évènements, et cependant toujours fidèle à elle-même et aux impératifs de son art.